«Y’a rien que deux manières d’en sortir, de c’te guerre-là : sur une civière attachée sur un jeep qui s’pousse vers l’arrière à quarante milles à l’heure, ou ben dans un trou su’ le bord d’la route, avec deux pieds de terre par-dessus toé, la carabine plantée dedans par la baïonnette et ton steel helmet accroché après.» Juin 1944. Comme des milliers d’autres hommes, le caporal Richard Lanoue et le Régiment du Saint-Laurent débarquent sur les plages de Normandie pour tenter de libérer l’Europe du joug nazi. La mort attend de pied ferme le groupe de soldats québécois et ne les lâchera plus au cours de ces mois de combats incessants qui les mèneront jusqu’à la forêt de Reichswald, à la frontière allemande. Un à un, les frères d’armes de Lanoue tomberont au combat, victimes d’une balle, d’un éclat d’obus ou d’une mine; quelques « chanceux » ne seront que blessés et se retrouveront dans un hôpital militaire en Angleterre avant le retour à Montréal. Parmi les rares romans de guerre que compte la littérature d’ici, Les Canadiens errants est certainement l’œuvre qui expose le plus clairement l’expérience québécoise de la Seconde Guerre mondiale. Jean Vaillancourt, qui a lui-même participé au jour J, nous plonge avec un réalisme saisissant dans le quotidien de ces hommes broyés par une guerre moderne qui les dépasse. Par son titre, emprunté à la ballade des bannis de 1837-1838 d’Antoine Gérin-Lajoie, par la langue que la narration prête aux soldats, par leurs discussions et leurs réflexions dans les moments d’accalmie, par l’amertume du retour aussi, ce roman captivant paru en 1954 et lauréat du Prix du Cercle du livre de France illustre l’absurdité de la guerre et la transformation que subissent les hommes à son contact. Avec une préface de Élisabeth Nardout-Lafarge