À partir de la visite à un boulanger de Tétouan (Maroc), j'avais 22 ou 23 ans, le pain a commencé à faire « signe ». Le voyage a débuté. J'étais comme « appelé » et rien n'aurait pu m'empêcher de répondre à cet appel. Ce livre est le récit de ce voyage, chaque chapitre une station, une part du « signe » déchiffrée.. Pour nous qui sommes depuis des siècles des mangeurs de pain, qui l'avons adoré jusqu'à le poser sur l'autel, dans le temple, que mangeons-nous exactement en mangeant du pain ? Une pâte issue d'une céréale dite panifiable, une pâte pétrie et fermentée, une pâte cuite - et, si possible, bien cuite ? Cela ne suffit pas. Si j'ai perçu ce « signe » dans cette boulangerie de Tétouan, il m'a fallu une vingtaine d'années pour le traduire en actes, passer mon CAP de boulanger, publier le Dictionnaire universel du pain et, plus tard, mon roman Azyme qui raconte le dernier repas de Jésus. Quelques années encore pour tenter, comme ici, de comprendre le « signe » dans son entier, sa verticalité.. La définition se trouve alors réajustée, enrichie tout au long du voyage qui passe par Çatal Höyük en Anatolie, Saqqarah, Éleusis, Bethléem, Vézelay, l'île de Karpathos, la rue Mignet à Aix-en-Provence, Constantinople, Malèves-Sainte-Marie en Belgique, l'île de Shikoku au Japon, Cucugnan dans les Corbières, Jérusalem, Lima, Lannilis dans le Finistère, la maison des Compagnons du Devoir à Paris.... J'ai aimé le pain pour cette qualité qu'il exige de celui qui le pétrit et le cuit d'être un coeur pur, de s'effacer, de servir, de laisser, à travers le pain, la graine s'accomplir, fleurir. J'ai entendu la première fois Georges Brassens célébrer l'Auvergnat les larmes aux yeux, celui qui donne un peu de pain, seulement un peu de pain [...], mais qui réchauffe le corps, embrase le coeur et brûle encore pour l'éternité. ».